France
Octobre 2002
Et nous voici rentrés depuis
plus de trois mois !
Pas évident de se remettre
dans le bain. Mais on y arrive quand même. En continuant de réfléchir au
prochain grand projet, par exemple.
Mais à l’heure du bilan,
que dire ?
Côté réussites :
L’envie de sortir les
enfants de leur train-train : école, sport, consoles de jeu pour leur ouvrir
les yeux sur la réalité du monde et surtout pour qu’ils sachent que cette
planète tout est leur champ d’expériences. Ils ont indéniablement pris
confiance dans la Vie et en eux.
Bien sûr, on a eu
l’impression qu’ils étaient passés à travers un tas de choses : tout
le côté culturel, entre autres. On est forcément un peu déçu quand ses
enfants préfèrent la piscine du Novotel de Bali à ses temples et cérémonies.
Et aussi : (ils ont voté ça !) les canards de Nouvelle-Zélande aux
lions de Tanzanie. Mais pour le reste, cet éveil au monde extérieur, on sent
bien qu’avec leur yeux, leur nez, leur palais et leur cœur, ils ont emmagasiné
un tourbillon de sensations qui resteront à jamais inscrit en eux. Ces charges
émotionnelles exploseront des années plus tard, à retardement, nous en sommes
convaincus, sous la forme d’un désir d’ailleurs, d’un attrait pour
l’art primitif, la plongée, la cuisine asiatique ou une soudaine envie d’y
aller voir (quoi ? Mais tout), d’une aide offerte au touriste paumé dans
Paris.
Il est là, LE méga bonus du
voyage, dans ce qui avait motivé notre décision au tout début et que nous
avions perdu de vue ensuite, tout occupés à trouver des justifications éducatives
ou spirituelles à notre " folie " : nous avons
ENSEMBLE passé une année entière, 24h sur 24, dans un fabuleux jeu vidéo,
une aventure créée rien que pour nous, nous cinq, notre famille, les
Trottemenu. Autant dire l’invincible armada, ou plutôt : les impossibles
chawarma (sandwich tunisien savoureux mais débordant de partout que l’on achète
et mange dans la rue, de préférence penché en avant au dessus du caniveau…)
avec leurs 150 kilos de bagages, leurs bâtons, chapeaux, sacs plastiques, gâteaux
secs en miettes, sandwichs rances, petits pots de confitures et sodas chauds
gardés de l’avion " au cas où …"
" Chawarma, nous
voilà ! " Tel était notre cri de guerre lorsqu’en quête des
passeports, nous déballions tout notre fourbi sous le regard glacial du réceptionniste
de grand hôtel qui ne savait s’il devait dérouler le tapis rouge (il nous
voyait inscrit sur son registre face à un numéro de suite ! mais ne
savait heureusement pas que nous étions invités) ou envoyer le service
d’ordre.
Une intimité familiale et un
partage absolus, à jamais inscrits en nous et que nous n’aurions jamais pu
connaître si nous étions restés dans notre bon Marolles.
Et puis soyons concret, il y
eut certains changements tangibles : une assurance nouvelle pour
s’exprimer face à des adultes, s’expliquer ou entreprendre des choses seuls
(ils sont plus vieux d’un an, me direz-vous…). Ils osent aller demander une
clé à la réception d’un hôtel, désormais, voire du sel à la table
voisine... Cela peut servir dans la vie
Côté échecs, nous
retiendrons le désir inassouvi (par notre faute) de vivre parmi les gens. Nous
avons trop bougé pour pouvoir réellement nous intégrer à la vie locale. Il
faut rester à un même endroit des trois quatre mois pour commencer à voir des
liens se tisser vraiment. Même erreur même raté avec l’humanitaire. Quant
au " grand projet pédagogique " que nous avions voulu
mettre en place avec leur école d’abord, il se solda par le maigre échange
de quelques " questions - réponses " sur les us et
coutumes des pays traversés. Un petit 11/20 tout au plus.
La faute à qui ? Ni aux
institutrices ou à la directrice, toutes très partantes, non plus qu’à nous
même, qui entretenions l’affaire de notre mieux. La faute au gouvernement
bien-sûr. L’informatique et internet étant encore loin d’être une priorité
dans le primaire. Face à l’absence de formation, au déficit d’équipement
et à la place infime prévue dans les emplois du temps pour ce type de projets,
la bonne volonté des maîtresses n’y suffit pas.
N’importe, nos enfants,
soyons en sûrs, réussiront beaucoup mieux de ce côté, dans trente ans
d’ici, quand ils effectueront leur propre tour du monde familial...
Mais,
de côté-là non plus, nous n’avons pas été abandonnés. Maryse Delagneau,
professeur de Français à Cosne-sur-Loire avait décidé de faire de notre périple
le centre du grand projet pédagogique de sa classe de sixième. Nous avons
correspondu avec eux très régulièrement. Et, indépendamment de l’intérêt
purement éducatif de notre collaboration, les messages de Flavien, Jules, Clément
et Cie furent d’un grand secours pour les garçons à l’époque où leur
moral n’allait pas fort, du côté de la Polynésie ou de l’Australie.
Nous répondîmes aussi complètement
que possible à leurs nombreux questionnaires, découvrîmes, ravis, les lettres
et paquets par eux envoyés en poste restante à Katmandou et fûmes tout
simplement soufflés par l’accueil qu’ils nous réservèrent à notre
retour, lorsque nous allâmes passer une journée dans leur établissement.
Nous
n’oublierons jamais cette vingtaine d’élèves surexcités qui guettaient
notre arrivée sous les marronniers et le chaud soleil de juin. C’est sous les
vivas que nous fîmes notre entrée dans le collège René Cassin. Les trois
murs de la salle de classe principale étaient recouverts par d’immenses
panneaux illustrés qu’avaient réalisés les élèves à partir des
informations transmises : monnaie, habitat, costumes, transports… Chaque
élève ayant, de plus, confectionné de ses mains un cadeau qu’il nous remit
à son tour. Pincement au cœur.
Après la sonnerie de fin des
cours, quand les enfants se furent éparpillés comme une volée de moineaux,
nous effectuâmes quelques descente de cave dans le Sancerrois voisin avec cinq
instituteurs et le proviseur du collège qui retint tout le monde à dîner dans
son jardin. Belle fin, en vérité. Merci à tous et surtout à vous Maryse.
Bravo !
Le retour, quelques jours plus
tôt, fut un enchantement.
Quand, chassés du jardin
d’Eden de notre rêve, nous franchîmes une dernière fois les portes d’un aéroport
en poussant nos lourds chariots devant nous, ce fut pour plonger dans le
volubile magma de tendresse de nos proches.
Les voiturés d’amis qui se
transportent chez les parents. La nuit que l’on tient en joue dans le jardin
un verre à la main. Puis les Trottemenu qui filent chez eux à Marolles en Brie
où les copains-voisins et les survivants de la veille soutiennent l’effort,
envahissent la maison et la font de nouveau résonner de leurs rires.
Il est trois heures du matin
et l’on s’amuse comme des gosses avec le webmaster et la compagnie à
soulever la table de cèdre de cent kilos à la force des index…
Ces soirées-là, la seule
chose qui nous ai réellement manqué durant le voyage… Comme on avait raison !
- Regarde, Ma Mie, c’est génial :
la Vie nous a suivi jusqu’ici
- On n’est pas encore mort,
putain !
Trois mois après le retour,
le livre sur le voyage est écrit. On vous dira bientôt chez quel éditeur il
est publié.
Et
puis, on n’oublie pas le nouveau grand projet, la maison de rêve : des
hectares pour élever des animaux sauvages, une grande maison et de quoi loger
une équipe de football… Ce serait sympa que vous nous trouviez ça.
D’ailleurs, comme nous l’avons voté en conseil de famille, celui qui
trouvera LA maison de rêve y aura sa chambre réservée, à Vie. Avis…
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