Mai 2002
Rendez-vous chez Maurice ...
Arrivés à Maurice depuis
Johannesburg, nous avons bien failli passer la première nuit à l’aéroport…
Vous le saviez-vous, qu’ici c’était comme jadis aux Etats-Unis ? Pour
passer la douane, il faut absolument donner l’adresse et le téléphone de l’endroit
où vous descendez (première fois de tout le voyage !) et montrer ses
billets retour (ce qui se pratique aussi ailleurs).
Bon, on avait bien une ou deux
adresses et deux ou trois téléphones. Alors, en mixant les deux sans vergogne,
le douanier, bon prince, nous a laissé passer.
L’ami Pascal, installé ici
depuis dix ans, ne nous attendait lui que trois jours plus tard. Heureusement,
quand il a su que nous étions là, il s’est échappé de son boulot pour
venir nous chercher. On l’avait prévenu un peu tard de notre venue et comme
nous étions en période de vacances scolaires, ce ne fut pas évident pour lui
de nous trouver un toit.
Le coin retenu, en tous cas,
était extra : la Pointe d’Esny dans le sud de l’île, à l’opposé
de Grand Baie où se coudoient tous les complexes hôteliers. En fouinant un
peu, nous avons finalement trouvé LA maison de rêve. Chère, c’est sûr, le
rêve, largement hors budget pour dire vrai, mais comme le même jour
(surlendemain de l’arrivée), on file accueillir les trois copains des enfants
qui arrivent à l’aéroport… on s’est un peu laissé aller.
Les copains ! Les
copains !
Il y aura donc eu Didier pour
les grands mi-janvier et voici Sophie, Fabien et Raphaël pour les petits en
avril. Plus que des copains, Sophie et Fabien sont des jumeaux habitant à trois
maisons de chez nous qui ont poussés à côté des nôtres comme s’ils
étaient leurs aînés. Après avoir cherché à nous rejoindre en Thaïlande,
Inde, puis Mada, ils arrivent finalement. Tout ce chemin pour huit jours
seulement ! Ca méritait bien un accueil VIP, non ?
Alors va pour la maison de
rêve et l’éclatement du budget. D’ailleurs, c’est excellent, un peu de
luxe, de temps en temps. Et ici, dans le prix des locations, les services d’une
femme de ménage-cuisinière sont inclus. Le lu-xe, vous dis-je et des salades
mauriciennes, pâtissons farcis, curry de poulpe, vindailles de poissons ou de
poulet en prime ! Génial.
A l’aéroport, en voyant
défiler tous les passagers qui arrivaient de Paris, les enfants avaient la
gorge nouée. Et si leurs copains avaient raté l’avion ?! Mais non, tout
comme nous (nostra culpa) ils n’avaient pas d’adresse en poche pour passer
la douane… Puis les retrouvailles !!
Pour fêter ça, bain de
minuit général et piquants d’oursins dans les pieds des grands qui portaient
les petits sur leur dos. D’où le Remake " D’Urgences "
sous la lampe du salon avec aiguilles et pince à épiler et des cicatrices sous
les pieds pour quinze jours pour bibi vu comment ces sales gosses soit disant
experts m’ont charcuté.
Ah ! L’île Maurice. Ce
sont des vacances, pas du voyage, d’accord. Néanmoins, nous avons
immédiatement adoré son ambiance : créole et indienne à la fois. Les
gens sont adorables, les rues du village le plus proche (Mahebourg) très
vivantes et ça faisait bien longtemps (depuis mon enfance, à une bonne
trentaine d’années d’ici) que je n’avais plus vu passer à domicile le
marchand des 4 saisons.
Sa mobylette déborde de
fraîcheur de toutes parts et le vélo du marchand de poisson ne vaut guère
mieux. Quel bonheur de choisir poulpes, calamars (un peu cher) et poissons
(Gueule pavé, Capitaine et Cato sont les meilleurs) le matin dans son jardin
comme un gars du coin…
Farniente et refarniente
Bon, les vacances, c’est les
vacances, alors, nous n’avons pas fait grand chose durant les quinze premiers
jours. Mais nous avions des excuses : le lagon, d’un turquoise parfait,
est là, à vingt pas de la terrasse. Frais et tiède à la fois, parfait.
Sous l’eau : quelques
pâtés de coraux et à trente mètres de la bande de sable blanc de
blanc : le récif de corail : murènes, poissons scorpions, coquillages en
tous genres, les délices du récif corallien, quoi.
De ce côté, rien ne vaut
Blue Bay, à deux pas : un aquarium naturel (parc protégé) dans une baie
bien encaissée où voisinent quatre où cinq sortes de formations coralliennes
et où, dès que l’on se met dans l’eau, des centaines de poissons,
habitués à être nourris, s’amassent en grappe autour de vous pour dévorer
le pain que vous tenez dans la main. Génial !
A part ça, qu’avons nous
fait ?
D’abord, il faut savoir qu’en
avril, on est dans l’automne du pays. Le temps devient incertain. Disons qu’il
fait beau un jour sur deux en moyenne.
Justement, le jour où nous
sommes allés essayer le parc aquatique avec les six enfants, il s’est mis à
tomber des cordes. Enfin, mouillés pour mouillés, dans les toboggans
ruisselants… Ca allait encore.
Il a fait beau en revanche
pour la partie de pêche à la traîne dans le lagon sur le bateau de l’ami
Pascal et nous avons remonté rien moins que 16 bonites. Suffisamment pour les
préparer de trois manières différentes : à la polynésienne (crues
marinés dans le citron vert et lait de coco : un délice !), à la
vindaille (safran) et en curry.
Petite pêche au gros
En dépit de la mise en garde
Pascal (" c’est cher, on a le mal de mer et 4 fois sur 5, on ne
prend rien "), cela nous a donné des envies. Maurice est quand même
(ou fut) le deuxième spot mondial de la pêche au gros. Toutes ces photos de
marlins bleus, requin marteau et thon géant nous avaient tourné la tête.
Quitte à casser la tirelire comme nous avions commencé de le faire, autant la
vider pour de bon. Une partie de pêche au gros n’est en effet pas donnée
(dans les 300 Euros !), mais les gamins en avaient vraiment envie, même
après qu’on leur eut dit qu’il fallait pour cela se lever à 5h du matin.
On s’est donc levé, on a eu
(plus ou moins) le mal de mer, on n’a rien pris et on a payé cher… La
question est de savoir si les gens qui vous embarquent savent dès le départ
(ou non) que l’on ne prendra rien ce jour-là ?..
Enfin, lorsque je dis que l’on
n’a rien pris, ce n’est pas tout à fait vrai : comme dans le lagon l’autre
jour, nous avons accroché des bonites au passage : 52 en fait. C’était
rigolo de les ramener à bord, mais on n’était pas venu pour ça… Et puis,
du thon à 15 Euros le kilo, ça fait quand même un peu cher.
D’autant que… ce qu’ils
ne vous disent pas, les bougres, c’est que la tradition veut que ce soit l’équipage
qui garde les poissons ! On l’a trouvé excellente celle-là (the cherry
on the cake) et il a fallu insister fort pour pouvoir en emmener une douzaine
avec nous, pour la friture…
Bonjour l’arnaque !
Bon, c’est promis, bientôt,
on vous raconte quelques sorties culturelles, mais là, on n’est pas encore
lassé du farniente, du simple accent chantant des gens et du récital de la
barrière de corail face au transat, un verre de ti-punch à la main. Ah si, on
peut vous parler du marché hebdomadaire de Mahebourg : idéal pour acheter
des souvenirs et faire son shopping fringues pour l’année. Les amateurs de
fausses marques seront à leur affaire.
En tous cas, le ciel ne s’éclaircit
pas sur Mada. Pas l’impression qu’on ira…
(quinze jours plus
tard) : L’envoûtement
Oui, avouons le : cela
fait un mois que nous sommes à l’île Maurice (1( avril – 15 mai). On n’est
jamais resté aussi longtemps quelque part… Et qu’est-ce qu’on a
fait ? Rien ou quasiment. Ce doit être cela l’arme secrète de
Maurice : un charme aux pouvoirs envoûtant : on est obligé de s’y
sentir en vacances… L’île des Lotus où Circé la magicienne maintient
Ulysse et ses compagnons dans une douce torpeur paradisiaque. Et les empêche de
continuer leur voyage !
Il faut dire que dans la
moiteur du soir, un verre à la main (encore !) face à la barrière de
corail qui rugit paisiblement, il est difficile de rassembler ses idées.
Reprenons nous. Nous avons
bien dû faire autre chose que simplement paresser au soleil, enfiler masque et
tuba pour aller décrocher des bénitiers (attention ! Cru, arrosé d’un
jus de citron vert et dégusté dans sa coquille, c’est un pur régal) ou
encore dormir sur la terrasse sous les étoiles ?..
A la voile
D’abord, hier, nous sommes
sortis en bateau. Et à la voile, s’il vous plaît. Bien sûr, on a vu tous
les gros catamarans poussés au gas-oil nous dépasser. Mais on avait tout le
temps, non ?
Un belle barque traditionnelle
avec des voiles croisées. Belle. Au début Tchach (Thierry, un ami qui vient
régulièrement passer ses vacances ici) refusait de monter à bord de cette
coquille de noix. Mais comme il a vu les enfants embarquer sans crainte… il
fut obligé de suivre.
On a remonté un bon petit bout de l’île Maurice comme ça. Tranquilles et on
est arrivé à l’île au Cerfs, celle des cartes postales. Un bijou de sable
blanc s’avançant dans l’eau turquoise sur vingt mètres. A la pointe d’une
petite île couverte d’aloes et de mangrove. Le paradis Bounty. Enfin, ça, c’était
il y a dix ans. A présent, des lignes de bouées limite le périmètre
baignade. Et c’est encore heureux. Pas une minute sans qu’un bateau à
moteur pressé ne vienne décharger sa cargaison de baigneurs près des trois
restaurants de plage. Sans parler des frimeurs qui arrivent en faisant vrombir
les moteurs et trembler les flaques de pétrole qui irisent la surface. Mais l’’endroit
idéal pour choisir un nouveau maillot de bain. Défilé assuré. Et rien que du
linge de l’année.
Heureusement, nos marins à l’ancienne
n’étaient pas sots : captant le genre de la maison Trottemenu, ils nous
ont vite proposé de contourner l’île pour aller pique-niquer sur une petite
plage déserte, derrière. Et le miracle c’est qu’elle l’était ! Si
on ne tient pas compte des étoiles de mer.
Le retour par vent arrière à
deux à l’heure fut un bonheur. Avec coucher de soleil fabuleux en prime.
Le lièvre et la tortue
Le lièvre, c’est pour les
courses, forcément… La chasse au souvenir et aux fringues pas cher
précisément. Avec les trois enfants qui grommellent dans le taxi, parce que c’est
du côté de Curepipe (donc un peu loin) que cela se passe… Les soldes
permanentes. Maurice est réputé pour la qualité de ses fringues. Et leur
prix. Chemise, pull, pantalon, T-shirt par tonne et pour toute la famille (le
retour est dans un mois pile), on n’arrête pas. Bref, si vous passez par ici,
n’oubliez pas que vous reviendrez chargé…
La tortue vient des
Seychelles. Et elle n’est pas seule. Une cinquantaine peut-être, dans un
vaste parc où elles déambulent sereinement. C’est déjà un spectacle. Elles
sont vraiment énormes. Les plus grosses du monde en fait, à égalité avec
celles des Galapagos. Sauf qu’aux Galapagos ou même aux Seychelles, on n’a
pas le droit de monter dessus. Ici si !
" On a le droit de
monter sur les tortues ???!!!!!
Et une et deux et trois
tortues ont leur cavaliers. D’abord sagement assis, puis viennent les figures
et le bâton avec les feuilles bien grasses qu’elles adorent pour les faire
avancer. Sandra s’y met à son tour, morte de rire. Moi, je n’ai pas osé.
80 kilos, tout de même. Pourtant, elles n’avaient pas l’air gêné plus que
ça par leurs charges humaines, les anciennes. Un super moment en tous cas et
une collection d’insectes (en général on déteste ces sordides défilés d’animaux
empalés) fabuleuse. Le parc s’appelle Vanille, à côté de Saint-Aubin.
Vraiment bien.
Au travail
Bon, mais on n’est pas sur
terre que pour rigoler. Dans la vie, il y a aussi l’école pour les petits et
le travail pour les grands.
Avec la venue de leurs
copains, les premiers avaient pris pas mal de retard. Il a bien fallut commencer
à le rattraper. On n’y est pas encore arrivé, l’envoûtement de Circé,
vous dis-je. Encore heureux que le beau temps était parti.
Un cyclone retardataire
vibrait à un millier de kilomètres d’ici. Mille kilomètres, ce n’est pas
le bout du monde pour un cyclone. Vent et pluie furent son cadeau. Durant une
demi lune exactement. Apparu à la pleine lune comme l’a fait remarquer le
marchand de légumes ambulant, le mauvais temps ne devait pas nous quitter
" avant la nouvelle lune ", une bonne douzaine de jours plus
tard.
Pan dans le mille. Ils en
savent des choses, les épiciers ici. Plus que la météo officielle en tous cas
qui tâtonnait chaque jour et se trompait quand même.
Cela a facilité la remise au
travail pour les grands aussi.
Objectif numéro un :
rédaction des premiers chapitres du récit de voyages de notre tour du monde.
Et hop ! J’en ai déjà rédigé cinq. Quant à savoir si nos aventures
trouveront un éditeur, alors ça, c’est plus dur à prévoir encore que le
temps…
Enfin, on l’écrit ce livre.
Comme on l’avait prévu ensemble dans le Shongololo : " Phase
un du futur grand projet " : que papa arrive à publier des
livres pour qu’on puisse vivre à la campagne dans " La maison de
rêve ".
Y’a pas à tortiller, faudra
bien qu’il soit publié ce livre, celui-là ou le prochain… D’abord, c’est
Pierrick, notre voisin qui a raison. Si personne ne veut de notre livre, eh bien
nous l’auto-éditerons !
Le tour du monde aussi, c’était
dur et on y est bien parvenu.
Les enfants ne demandent pas
autre chose que cela en fait : que les grands fassent ce qu’ils disent.
Et demain…
A part ça, on a visité une
plantation de thé et son usine de fabrication, on est allé jeter un coup d’œil
à Grand Baie voir s’il y faisait meilleur qu’ici ? Oui. Est-ce qu’on
allait déménager là-bas ? Non. Depuis combien de jours les garçons ne
se sont-ils pas baignés ? Au moins dix. Temps pourri mais on a fêté mon
anniversaire le jour J autour d’une platée de langoustes et de vin
sud-africain avec Karine, Tchach et leur fils Tom, plus Dorothee, Pascal et
leurs deux loustics : Romain et Jérémy qui sont devenus des super-potes
des jumeaux.
Les bougies (des chandelles de
maison) étaient posées sur deux gâteaux : l’un au chocolat et l’autre
à la banane. Ce sont Jules et Ilan qui les avaient fait. Ils en fabriquent
presque chaque jour.
Depuis notre arrivée, ces
petits gars se sont mis à la pâtisserie, et ils se débrouillent comme des
chefs. On n’en revient pas mais on en profite. C’est génial de regarder ses
enfants faire des choses tout seul. Et réussir.
Après un mois tout de même,
nos yeux se sont enfin ouvert sur la fameuse société pluriculturelle
mauricienne. C’est vrai qu’ici Hindous, Créoles, Blancs et Chinois
cohabitent de manière plutôt réussie, tout comme mosquées, églises et
temples voisinent dans la rue. Sans se mélanger beaucoup mais en se respectant
parfaitement. Ca fait du bien quand on voit ce qui se passe partout ailleurs. A
Sulawesi, par exemple, où nous étions quelques mois plus tôt et qui est
aujourd’hui à feu et à sang. Mais ce ne sont pas là les religions qui
dressent les gens les uns contre les autres, juste quelques politiciens prêts
à tout pour gagner le pouvoir qui attisent le feu dans l’ombre…
Arrivés à Maurice, on était
désormais tellement habitué à voir défiler des visages différents que l’on
n’y avait pas vraiment fait attention. Ils sont tous là, ou presque, ces
visages noirs, jaunes et rouges que l’on a croisés durant le voyage. Comme un
rappel final avant le tomber de rideau. C’est vrai que ça sent l’écurie
par ici. Et pour dire la vérité, on a un peu beaucoup les boules de finir
scotchés comme ça sur une île qui produit plus d’huile solaire que de tout
autre sortes…
On a attendu le maximum
possible pour Madagascar, mais toujours pas de vols ni d’essence sur place, La
Réunion où l’on voulait allez tréker un peu, nous a refusés (nos vols
soit-disant confirmés ne l’étaient plus quelques jours plus tard). Alors ce
sera Rodrigues.
Le dernier jeton
Allez, on n’est pas encore
tout à fait mort. On a avancé la date du grand retour d’une semaine pour qu’Olivier,
mon frère puisse être là. Il nous reste quinze jours. A passer sur Rodrigues.
L’île qui a inspiré à JMG
Le Clézio son " Voyage à Rodrigues ". Elle ne peut donc
pas être tout à fait nulle. Pas moyen, en tous cas de mettre la main sur le
livre par ici. Dommage. Ou bien tant mieux. Rodrigues est encore très
authentique, sauvage, créole, dit-on. Pourvu que ce soit vrai. Deux semaines
là-bas. Les deux dernières du voyage. Et si ce dernier jeton faisait
dégringoler le jack-pot ?
On vous dira ça tout à l’heure.
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